mardi 4 novembre 2014

Jolie Madame, Balmain 1953

Et dieu créa Jolie Madame. 



Encore une résistante, née en 1953 des mains et du nez de Germaine Cellier, un délice de parfum bipolaire. La parfumeuse aimait les surdoses, les fractures et les chocs olfactifs, n'hésitant pas à marier les contraires. Sa violette douce et généreuse qui semble appeler tendresse et innocence est ici vite claqué au bec par la verdeur et l’amertume d'un cuir jouisseur, un tailleur à quatre épingles et le chignon crotte maîtrisé. 

Et l'on découvre que les ionones (la violette) aux accents boisés s'amourachent très bien de l'isobutylquinoléine (le cuir) subtilement fleurie asperge. Il faut tout le génie de Germaine Cellier pour enrober le tout des notes aromatiques presque masculines de coriandre et d'armoise, avec un floral axé sur la violette certes, mais aussi solidement épaulé par quelques fleurs blanches, tubéreuse en tête, et l'animalité du cuir et de la mousse en soutien. Typique de l'époque, complexe mais facile à porter, aimable sans plus. On sent que la jolie, il ne faut pas trop la chercher non plus. Elle est joueuse, avec les codes et les convenances.


Comparé à ses aînés Bandit et Cabochard, celui-ci est quand même plus gai et bien en chair et je l'adore pour ça. 
Il m'a un jour sauvé la vie, m'étant retrouvé par je ne sais quel sortilège dans une salle sombre devant Harry Potter,  entouré de trolls au relents de pop corn maltolé, d'une suspecte odeur de vomi plus bas dans l'allée et surtout d'un Miss Dior Chérie étalant sa vulgarité dans tout le ciné. Jolie Madame, miraculeusement fit  le vide autour de moi et le film ma foi ne fut pas si mal.

Donc, oui, je le dis : il faut porter Jolie Madame. Pour les soirées serre tête et jupe à carreaux chez l'ambassadeur du Bouthan. Ou comme une bourgeoise chabrolienne, délicieusement timbrée, en décalé. 
Hélas la version vendue actuellement nous joue la partition classique : on vaporise et on y croit un instant, et patatra, tout s'effondre, et l'on mesure la maigreur de la dame qui a salement morflée. Triste sort.




Photo : Stéphane Audran dans Dix petits nègres.